«Le cœur brûlant » signifie que le missionnaire brûle de l’amour de Jésus

Sr Marina Aguilar, directrice nationale des OMP (Obras Misionales Pontificias/Missio) en Équateur

Sr Marina Aguilar appartient à la communauté des «Hermanas marianitas» et est directrice nationale des OMP (Obras Misionales Pontificias)/Missio) en Équateur. Dans l'interview qu'elle a accordée à Missio, elle parle du mois de la mission universelle, du processus synodal et de la manière dont elle dirige Missio en Equateur en tant que femme.

Missio: Le slogan de la campagne du Mois de l’Eglise universelle 2023 dit : «Le cœur brûlant, se mettre en chemin»: qu’est-ce que ce slogan signifie selon vous pour l’Eglise en Equateur et pour l’Eglise universelle ?

Sœur Marina: Le slogan 2023 a une signification profonde non seulement pour l’Église catholique en Equateur, mais pour toute l’Eglise. Nous sommes tous appelés à une rencontre personnelle avec Jésus ce qui nous amène à être des témoins nous-mêmes. «Le cœur brûlant» signifie que le missionnaire brûle de l’amour de Jésus qui le pousse à être toujours prêt à marcher, à aller vers l’autre. Quand on est rempli de l’amour de Dieu, à cause d’une expérience personnelle avec Dieu, on se met en marche, et pas seulement dans le sens physique. Marcher implique que l’on se déplace, que l’on enlève tout ce qui nous alourdit, ce qui nous empêcherait de faire véritablement Eglise synodale, Eglise missionnaire.

Missio: Qui dit Eglise synodale dit « participation, communion, mission » : qu’est-ce que cela signifie pour l’Eglise en Equateur et pour l’Eglise universelle ?

Sœur Marina : Pour notre Eglise, cela signifie revenir aux origines. Si nous nous rappelons comment est né le peuple d’Israël, nous voyons qu’il est né avec ces trois perspectives. Comment est née l’Eglise ? Elle aussi est née de la communion, de la participation et de la mission. Et divers documents de l’Eglise et des messages des papes appellent précisément à ces principes : la participation est importante dans la vie de celles et ceux qui forment l’Eglise. Participer, c’est assumer les engagements, les tâches de l’Eglise, en respectant le rôle de chacun. La communion nous conduit à la participation, c’est-à-dire à la fraternité, qui n’exige pas que tout le monde pense de la même manière ou que tout le monde dise oui. La communion signifie que, dans la différence des idées et des choix, l’Eglise parviendra à la communion dans l’amour de Dieu et de la mission. C’est de là que vient la mission. Nous disons que l’Eglise est missionnaire par essence parce qu’elle est née pour la mission et qu’elle vit pour la mission.

Missio: Vous êtes la directrice des OPM. Qu’est-ce que cela signifie et quelle est l’importance d’une femme à la tête des OPM ?

Sœur Marina : Je ne parlerais pas du rôle à jouer, car un rôle implique une tâche à accomplir. Le fait qu’une femme soit directrice ici signifie que nous donnons de l’espace aux femmes, que nous sommes tous coresponsables de la mission, nous tous, hommes et femmes. Jésus lui-même nous dit que nous faisons toutes et tous partie de cette Eglise. Cela implique de passer du « faire » au « servir ». Et cela nécessite un changement d’état d’esprit et de cœur, car le travail est énorme et difficile. Je dois me mettre à la place de chaque personne et essayer de trouver le moment opportun et les paroles justes pour m’exprimer. Je dois être prête à me convertir, à me préparer, mais surtout à servir, car dans l’Eglise, nous ne devons pas assumer des rôles, mais servir.

L’Eglise en Equateur se caractérise par ses réalités multiples, ses groupes ethniques et culturels. Au cours de son histoire dans notre pays, à la rencontre avec les réalités locales, l’Evangile a été inculturé. Le travail d’évangélisation n’est pas le même en ville qu’à la campagne. En ville la sécularisation a pénétré les groupes de jeunes et les familles. La pastorale en ville est donc beaucoup plus difficile que dans des Vicariats à l’est du pays.

Dans ces régions, on a tenté de traduire la Bible en quechua, la langue indigène la plus répandue dans le pays. En Amazonie où il existe plusieurs groupes ethniques parlant leurs propres langues, des prêtres ont essayé de traduire les textes liturgiques, les textes pour les sacrements dans les langues respectives. Chaque groupe a ses particularités. L’Eglise en Equateur s’est engagée à préparer ses agents pastoraux pour qu’ils connaissent au moins les éléments de base de la langue des lieux où ils se rendent. Cela leur permet de comprendre les gens et de se faire comprendre d’eux.

Missio : Comment vivez-vous et voyez-vous le célibat des prêtres ?

Sœur Marina : Notre culture n’accepte pas qu’un homme ou une femme ne se marie pas ou n’ait pas d’enfants. Dans ce contexte, il est donc particulièrement difficile de s’engager sur le chemin du sacerdoce ou de la vie religieuse.
Dans la culture quechua, une femme qui n’a pas d’enfants ou qui n’est pas mariée n’est pas considérée comme femme. C’est une des raisons qui a conduit au développement important du mouvement laïc dans la culture amazonienne. Non pas tellement parce qu’il n’y a pas de prêtres, mais parce que l’Eglise équatorienne accorde beaucoup d’espace aux laïcs. Dans certaines juridictions, il existe le diaconat permanent. Les Eglises locales sont très favorables à cette voie. Le travail pastoral pour les vocations est difficile : le faire entrer dans une culture qui ne considère pas le célibat comme une valeur mais comme un signe de faiblesse est difficile en soi. Malgré cela, nous avons des vocations dans les diocèses et archidiocèses. Par contre aucune dans les huit Vicariats apostoliques. Nous devons donc compter sur du personnel venant d’autres diocèses.
Il est difficile de penser aux vocations dans cette culture, dans un monde qui donne plus d’importance à l’argent, au travail professionnel. Il n’y a pas de place pour la vie consacrée au service de Dieu dans ce contexte.

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